Depuis près de vingt ans, j’ai porté mon attention sur une région boisée de quelques kilomètres carrés située au sud-est du Québec (Mont-Mégantic). De façon assidue, j’arpente ces lieux, saison après saison, année après année, attentif aux signes de changement qui vont de l’avancée de la végétation aux traces laissées par l’activité animale.

Délaissant recherches ou documentation préalables, mon approche est avant tout centrée sur une observation serrée des choses. Cette démarche intuitive m’a graduellement amené, au cours de mes itinéraires, à redéfinir mon rapport à la nature. Avec le temps, un lien d’intimité s’est créé entre moi et ce territoire. L’évolution des lieux que j’y observe va de pair avec ma propre évolution et de fait se transpose dans mon travail. Le défi, vu les mêmes lieux revisités, est de renouveler mon regard de façon à demeurer ouvert à ce que je croise. Des découvertes en entrainent d’autres, de nouvelles pistes se dessinent au fur et à mesure de mes explorations. Je deviens en quelque sorte le témoin des lieux et le gardien des traces captées par la photographie.

 

 

« Bien qu’il s’agisse de paysage comme grand thème, il y a chez Rajotte cette dimension intimiste et méditative de territoires scrutés dans ses moindres replis, dans le creux des surfaces et des matières, et dont la représentation va bien au-delà du visible. Nous ne sommes plus dans la description d’un paysage comme tel, mais dans son potentiel suggestif où s’articulent mystère, étrangeté et découverte. Cette démarche singulière s’apparente à celle de l’explorateur. Elle rend compte d’une expérience, perceptive explorant la finalité de notre propre regard sur les choses » (Mona Hakim, historienne de l’art)